Prévenir les lésions oculaires chez les marins professionnels : enjeux, risques et solutions

Les accidents aux yeux, bien que peu fréquents dans le secteur maritime, peuvent avoir des conséquences graves, voire irréversibles, sur la santé des marins. À travers une analyse détaillée des causes, secteurs les plus touchés et solutions de prévention, ce dossier propose aux travailleurs de la mer des clés pour protéger leur vision, un sens vital dans leur activité quotidienne.

Une réalité méconnue mais préoccupante

Entre 2016 et 2020, 252 accidents du travail maritime (ATM) liés à des lésions oculaires ont été recensés, selon une étude de l'Institut Maritime de Prévention (IMP). Si ces incidents représentent une faible part des ATM totaux, leur impact est significatif :

  • 117 accidents ont entraîné un arrêt de travail, totalisant 6 885 jours perdus.
  • Le coût moyen par accident s'élève à 2 490 €, les lésions traumatiques étant les plus coûteuses en termes de soins et d'indemnités.

Les secteurs les plus touchés sont le commerce maritime (50 % des cas), suivi par la pêche (37 %) et les cultures marines (12 %). Les marins-pêcheurs et les personnels de pont sont particulièrement exposés lors de tâches impliquant des produits chimiques, des équipements mécaniques ou des manipulations d'engins de pêche.

Les causes principales des accidents aux yeux selon les secteurs

Pêche

Les marins-pêcheurs sont exposés lors de :

  • La réparation et manipulation des engins de pêche : risques de piqûres et de projections avec des câbles ou chaînes.
  • Le travail des captures : blessures causées par des poissons ou crustacés.
  • La maintenance du pont et des machines : exposition à des produits chimiques et risques mécaniques.

La majorité des accidents se produisent à bord, principalement sur des chalutiers de 16 à 25 mètres.

Commerce maritime

Dans ce secteur, les produits chimiques et les machines fixes ou portatives sont les principales sources de blessures. Les accidents surviennent souvent :

  • Lors de travaux de maintenance sur le pont ou en salle des machines.
  • En raison de projections (corps étrangers ou coups d'arc électrique) ou de brûlures chimiques.

Les navires à passagers, comme les ferries, concentrent une part importante des accidents.

Cultures marines

Les travailleurs des cultures marines sont majoritairement blessés à terre, notamment lors de :

  • La manipulation de coquillages : éclats ou fragments projetés dans les yeux.
  • Le tri et le calibrage des produits.
  • L'entretien des installations terrestres, où les risques de projections sont fréquents.

Des accidents graves aux conséquences lourdes

Les ATM graves aux yeux, bien que rares (1 % des ATM graves), peuvent entraîner des incapacités permanentes. Les lésions traumatiques de l'œil sont les plus courantes, souvent dues à des câbles, chaînes ou engins de pêche. Ces accidents sont majoritairement observés dans le secteur de la pêche.

Prévenir les lésions oculaires : des solutions adaptées

Identifier et évaluer les risques

La première étape consiste à intégrer les risques oculaires dans le Document Unique d'Évaluation des Risques Professionnels (DUERP). Il s'agit d'identifier les postes à risque et de définir des mesures préventives :

  • Organisationnelles : planification des tâches dangereuses et sensibilisation.
  • Techniques : équipements et installations adaptés.
  • Collectives : protections sur les machines ou zones de travail.

Port des EPI adaptés

Les lunettes de protection sont indispensables dans de nombreuses situations. Elles doivent être choisies en fonction des risques identifiés :

  • Lunettes contre les projections chimiques pour les marins du commerce.
  • Masques de protection robustes pour les pêcheurs manipulant des câbles ou des engins de pêche.
  • Écrans de protection pour les travailleurs des cultures marines exposés aux éclats de coquillages.

Que faire en cas d'accident oculaire ?

Chaque type de lésion nécessite des gestes spécifiques :

  • Brûlures thermiques : rincer à l'eau froide pendant plusieurs minutes.
  • Brûlures chimiques : rincer abondamment pendant 15 minutes en évitant la propagation sur l'autre œil.
  • Corps étrangers : rincer à l'eau ou au sérum physiologique, sans tenter d'extraire l'objet.
  • Particules incrustées : ne pas frotter l'œil et consulter rapidement un médecin.

Dans tous les cas, il est indispensable de :

  1. Contacter immédiatement le Centre de Consultation Médicale Maritime (CCMM) de Toulouse.
  2. Prévoir un suivi médical à terre auprès d'un spécialiste.