Chaque année, le Bureau d'enquêtes sur les événements de mer (BEAmer) publie un rapport qui analyse les événements maritimes survenus, identifie les causes d'accidents et propose des recommandations. L'édition 2024 met en lumière la vulnérabilité persistante de certains segments de flotte, notamment dans le secteur de la pêche, et souligne des enjeux cruciaux pour la sécurité maritime.
Petits navires de pêche : vieillissement de la flotte et vulnérabilités structurelles
Les navires de moins de douze mètres concentrent la majorité des accidents graves, souvent en raison de modifications successives non évaluées sur le plan de la stabilité. L'âge moyen des unités accidentées atteint trente-et-un ans. Une réglementation ancienne, appliquée au moment de leur construction, rend ces unités particulièrement sensibles aux déséquilibres introduits par des ajouts de matériel ou des changements de modes d'exploitation.

Les cas du RUMALO II ou du NINJA II illustrent des pertes de stabilité liées à l'absence de contrôle technique après modification. Le BEAmer insiste sur la nécessité d'imposer des vérifications périodiques des critères de flottabilité, en particulier lors de la revente ou du transfert de propriété d'un navire.
Hommes seuls à bord : un facteur aggravant dans l'accidentologie
L'exploitation en solitaire, notamment dans la pêche côtière, s'avère critique. Les décès recensés sur des navires comme le NINJA II ou lors d'événements similaires sont souvent liés à l'absence de surveillance croisée ou d'arrêt d'urgence. Le BEAmer souligne que la réglementation devrait évoluer pour exiger au minimum deux marins à bord de tout navire armé à la petite pêche, capable d'assurer la relève en cas de défaillance du patron.
Cette configuration de travail isolé augmente les risques, notamment lors des opérations de virage de chaluts ou de mise à l'eau des casiers, comme l'ont montré les accidents du Sainte Marie de la Mer II et du Fils du Vent.
Surveillance de la veille et fatigue à bord : les limites humaines
L'échouement du CYCNOS démontre les effets potentiellement dramatiques d'une veille non assurée ou de dispositifs de vigilance inactifs. Le BEAmer relève que la fatigue, en particulier lorsqu'elle touche l'homme de quart, reste sous-estimée dans la gestion des risques à bord.

Une meilleure utilisation des alarmes de veille et l'intégration de dispositifs de réveil automatiques sont préconisées. Il est également recommandé que les patrons de pêche mettent en place des quarts encadrés et que l'équipage soit formé aux risques liés à la fatigue.
Navires à passagers et plaisance commerciale : zones grises réglementaires
Le chavirement du Coralia et l'accident mortel sur le Kailea Princess révèlent les ambiguïtés entourant la plaisance à usage commercial. L'usage professionnel de navires de loisir (NUC) manque souvent de cadre rigoureux, tant au niveau de la formation des skippers que du respect des limitations de navigation (interdiction de navigation de nuit, statut des accompagnants).

Le rapport appelle à une clarification des statuts, une signalétique obligatoire et un meilleur encadrement contractuel des plateformes de location, comme dans le cas de l'abordage entre SKYFALL et DIPLODUS. Il est proposé de rendre publiques les listes de navires agréés et de renforcer les contrôles sur les pratiques commerciales.
Recommandations et mise en œuvre : un suivi encore partiel
En 2024, 20 recommandations ont été émises, avec un taux de mise en œuvre inégal selon les destinataires. Si les administrations maritimes et certains armements ont réagi, d'autres, notamment dans la pêche artisanale, peinent à mettre en œuvre les correctifs, souvent en raison de l'arrêt d'exploitation du navire concerné.
La diffusion des enseignements et le renforcement du suivi des recommandations restent des leviers essentiels pour faire évoluer les pratiques. Le BEAmer rappelle que ses enquêtes techniques n'ont pas de vocation pénale, mais sont des outils de prévention.
L'année 2024 confirme les fragilités structurelles de certaines flottilles, et notamment celles des navires de petite pêche. À l'heure où les enjeux de sécurité se croisent avec ceux du renouvellement de la flotte et de la professionnalisation des pratiques, la question d'un accompagnement réglementaire renforcé se pose. Une meilleure prise en compte de l'ergonomie, de la formation continue et de la fiabilité des équipements apparaît comme une nécessité pour les années à venir.
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